EXCELLENT ! À LA FLAVEUR DU CHOCOLAT

par José Ruiz

Le goût du chocolat, cette alchimie complexe qui en compose sa flaveur (sensations organoleptiques d’une dégustation), c’est le goût de l’enfance, une réminiscence proustienne, un mignon péché aux vertus prodigieuses ! Petite promenade gourmande autour de l’or noir ! Par José Ruiz.

PETITE HISTOIRE DU CHOCOLAT

Imaginons  l’architecte Rem Koolhaas (à l’origine du Pont Simone Veil à Bordeaux).
Il trouve devant sa porte un matin 8 kilos de chocolat déposés par le facteur. Cadeau de la Métropole pour la réalisation de l’ouvrage. La chose n’aurait pourtant rien eu d’incongru au XVIIe siècle. Car c’est par un présent de cette nature que Louis XIV récompensa Vauban pour la construction de la citadelle de Bayonne. Du chocolat pour gratification, comme on offrirait des perles d’émeraude. C’est qu’en ces temps anciens, une telle denrée avait aussi valeur de monnaie d’échange. Un produit de luxe réservé à une élite fortunée. Mais ça, c’était avant…

Le chocolat (que les civilisations précolombiennes aztèques et mayas consommaient liquide et nommaient xocoatl) arriva en Espagne par les conquistadors. Nous sommes en 1528. C’est d’abord Charles Quint, empereur d’Espagne, qui le révèle à la cour. Il fait aromatiser aux épices et au miel ce cacao si amer. Après lui, le roi Philippe III louera les bienfaits thérapeutiques de la précieuse boisson. Sa rareté et ses vertus réputées miraculeuses en font un produit cher, réservé aux élites. L’Espagne se met à importer par cales entières les fameuses fèves. Nobles et aristocrates l’accommodent avec du miel et des épices. La France  est atteinte par la fièvre chocolatée peu après, avec l’immigration des juifs espagnols et portuguais ( les maranes)  fuyant l’Inquisition et qui se réfugièrent à Bayonne dans le quartier Saint Esprit. Ainsi entré en Europe, il semblerait que le chocolat soit mis en lumière officiellement en France en 1615, par la grâce de Anne d’Autriche l’infante d’Espagne. La jeune princesse est à son tour gagnée à la cause, et elle introduira le chocolat à la maison royale en épousant Louis XIII à Bordeaux. Les conjoints ont tous deux 14 ans, on est bien gourmand à cet âge-là… Les monarques suivants consacrent le chocolat à la cour de Versailles, Paris voit s’ouvrir des ateliers et l’arrivée des premières machines à fabriquer le chocolat. Marie- Antoinette, épouse de Louis XVI aura même son chocolatier personnel. Ce «chocolatier de la reine» sera le premier chocolatier de France, et on lui attribue les premières recettes de chocolat à l’amande ou à la praline. Son évolution passera ensuite par la mise au point de la poudre de cacao au cours du XIXe siècle par le chimiste Van Houten, une invention qui précédait de peu la forme solide en tablette à croquer que nous connaissons aujourd’hui.

LE BEAN TO BAR, PHÉNOMÈNE CHOC :

CHOCOLATE SHOP

Chocolat d’origine ou chocolat industriel… Le mouvement bean to bar s’inscrit dans ce clivage entre deux modes de production du chocolat, avec sa traçabilité, de la matière première au produit final. Autrement dit de la fève (bean) à la tablette (bar). Le mouvement apparu aux États-Unis au début du millénaire défend un chocolat éthique issu d’une filière transparente. Une filière qui va du paysan jusqu’au chocolat dans sa forme brute, tablette ou chocolat chaud. L’ambition du mouvement est triple, exigeant une juste rémunération des producteurs, un mode de culture éco-responsable, et la recherche de la meilleure qualité possible. Voilà le pari que se fixèrent Clara et Samuel, deux bordelais amoureux du chocolat en ouvrant l’an dernier le Chocolate Shop. Un bar à chocolat comme ceux qu’ils ont découverts au cours d’un voyage en Australie, qui leur donne envie de s’approcher du produit et de ceux qui le cultivent en Colombie, en Equateur… Ils créent rapidement un réseau de petits producteurs pour faire connaître les multiples variétés de chocolat. Et le Chocolate Shop sera le lieu pour partager cet univers. Là où un salon de thé sert une seule sorte de chocolat chaud, Clara et Samuel présentent 5 variétés à boire et montrent dans leur petite boutique combien les nuances arômatiques varient d’un cacao à l’autre. Ce rôle « pédagogique » d’éducation du palais est essentiel et passe par des ateliers de dégustation révélant la diversité des saveurs. En tablettes ou dans une tasse, le chocolat est ici chez lui.

Chocolate Shop : 9 rue Bouquière – Bordeaux

L’ACCORD DE CYRIL BLEEKER :

CHOCOLAT ET VIN

Cyril Bleeker, sommelier formateur au CAFA sait que le chocolat est bonne pâte et qu’il apprécie les compagnies les plus diverses. Avec un chocolat -caramel – noisette, on se délectera d’une bière comme la Burdigala signée Grégoire Agostini. On célèbrera un mariage de cœur entre un chocolat à forte teneur en cacao et le cognac qui en calmera l’amertume. On saluera l’harmonie entre un Paciencia (appellation Toro) et un chocolat plutôt puissant. L’accord parfait? Le château de Cérons doux avec un chocolat aux agrumes. Hum…

CHAUD CACAO : LA CHOCLATERIE LALÈRE

«L’audace se décline en chocolat chaud», proclame la petite desserte installée sur le trottoir, devant la chocolaterie Lalère. En vitrine, la robe tout en chocolat invite à passer la porte de cette véritable bonbonnière aux senteurs épicées. Voilà l’un des spots les plus cosy qui soient. Et déguster le trio de chocolats chauds (classique épais, praliné et végétal amande avoine) dans le moelleux d’un canapé ( il y a aussi des fauteuils)  justifie à lui seul cette étape gourmande.

Chocolaterie Lalère : 19, rue Bouffard – Bordeaux