VARIATIONS CULINAIRES BASQUES

Les Fêtes de Bayonne ouvrent la saison estivale des fêtes traditionnelles basques. Un pays attachant, où le terroir, entre vallées, montagne et océan, abonde de produits de premier choix. Une cuisine colorée, chaleureuse et sapide, au caractère affirmé comme ses habitants. Mahaian !
*à table ! Par José Ruiz

C’était trop tentant, alors ils succombèrent. Adeptes des Sanfermines, le président du comité des fêtes d’alors, Benjamin Gomez et sa bande d’ovalistes de l’Aviron Bayonnais ne ratent jamais un encierro, quand les Miura et les Domecq déferlent par la calle Estafeta jusqu’à la Plaza de Toros. Cette fête-là, ils veulent la même chez eux. Et le 13 juillet 1932 s’ouvrent les Fêtes de Bayonne, inspirées de celles de Pampelune. Elles vont se choisir pour saint-patron une figure pittoresque de la cité, Léon Dacharry, érigé en monarque. Le Roi Léon en deviendra plus tard la mascotte sous le crayon du dessinateur Jean Duverdier. Nous sommes en 1987 : les Fêtes de Bayonne prennent une nouvelle dimension. Après les aubades qui réveillaient les bayonnais, après les passe-rues des bandas, pas de répit 5 jours durant. Depuis 1947, une personnalité du sport ou du spectacle est conviée à lancer les clés de la ville depuis le balcon de la mairie sur la marée humaine qui a envahie la place de la Liberté. 40 ans plus tard, le Roi Léon, sur son balcon, dort jusqu’à midi, où il est bruyamment réveillé par les Géants, parés pour une déambulation dans la ville entièrement livrée aux festayres en blanc, foulard et ceinture rouges (nouée sur la hanche gauche). Les espadrilles sont recommandées mais optionnelles pour la Foulée des Festayres, première compétition sportive des Fêtes. Il y aura aussi les meilleurs joueurs de pelote basque qui s’affronteront pour le Master des Fêtes, la Nive sera le théâtre de joutes nautiques, les défilés bigarrés, chars, bandas, vont se succéder en attendant les courses de vaches et les 2 corridas. Les enfants ont leur Journée, et on n’oublie pas de passer à table : ici, entre chipirons et xistorras, on sait ce que bonne cuisine veut dire. Le championnat du monde d’omelette aux piments, le déjeuner des anciens, puis les chants, les danses et les bals rassemblent les familles autour des txistularis (flûtistes) : il sera toujours temps de dormir… plus tard.

LE TERROIR BASQUE BY PIERRE OTEIZA

Il y a 35 ans, Pierre Oteiza entreprit la réhabilitation d’une race de porcs basques, la race Kintoa, tête et cul noirs, une race dont les derniers specimens étaient en train de disparaître, dans la vallée des Aldudes. En s’installant dans cette vallée, l’éleveur va développer une marque qui aujourd’hui commercialise dans les 10 boutiques du pays une large gamme de produits basques, dont le célèbre jambon de Kintoa qui trône fièrement dans la vitrine de la boutique. Ayant obtenu l’Appellation d’Origine Protégée (AOP), les jambons Kintoa AOP sont affinés jusqu’à 24 mois dans un séchoir ouvert au vent du Sud (le Haize Hegoa). C’est à lui que les jambons vont devoir leur intensité aromatique, leur saveur légèrement fruitée, les subtiles notes de noisette, de sous-bois aussi… et lorsque l’on arrive à bout et qu’il ne reste plus que le xamango (talon du jambon), on l’inclue avec délice dans le cassoulet ou la garbure. Fier d’une médaille d’or obtenue au dernier Salon de l’Agriculture, le jambon est la tête de gondole d’une gamme de salaisons allant des ventrèches au piment, au saucisson affiné 6 semaines, jusqu’au Jésus du Pays Basque. À glaner sur les étagères de la boutique, la sauce Pika Gorri, une délicieuse réduction de cerises au vinaigre, ou, tiens ! l’Ilar Gorria, ce plat apprécié en Navarre, et dans lequel les haricots rouges sont cuisinés à l’ail et au boudin basque. N’oublions pas les fromages pur brebis et les vins d’Irrouléguy, et surtout le Katxina, l’un des meillers txakolis. On egin ! (bon appétit !)

52 rue des Remparts
33000 Bordeaux
pierreoteiza.com

LE VÉRITABLE GÂTEAU BASQUE

Si le gâteau basque devait porter un autre nom, ce pourrait bien être celui de Pariès. C’est dans les ateliers de la célèbre maison que vit le jour en 1938 le gâteau basque de référence, des mains de l’artisan Robert Pariés. Une crème d’amandes parfumée au rhum, et le «etxeko-bixkotxa », pâte bien dorée à base d’œufs, de lait, de beurre, de sucre et de farine, devint pâtisserie emblématique. Confiture de cerises, chocolat, noisettes, agrumes, sont les garnitures alternatives au classique fourré à la crème pâtissière.

Maison Pariès
101 rue Porte-Dijeaux
Bordeaux

TOPA, LA MAISON BASQUE

Depuis l’installation du restaurant Topa dans ses murs, la Maison Basque de Bordeaux est devenue un rendez-vous du soir couru pour ses apéros-pintxos. Une bonne occasion de passer la porte de cet établissement associatif ouvert il y a plus d’un demi siècle. C’est pour permettre aux basques de Bordeaux de se retrouver et de vivre leur culture que fut créé le lieu. Au fil des années, la Maison des Basques est devenue la Maison Basque tout court, signifiant par là une ouverture à un public plus large, et qui peut aujourd’hui s’inscrire aux ateliers de danse, de chants – un repas de famille ne saurait se terminer sans des chants au Pays Basque – et s’initier à la langue basque (eskerra). 80 élèves sont inscrits en 2023. La Maison Basque se veut une devanture pour la culture de son pays, et on y défend les artisans, les coopératives et les producteurs de bérets comme de confitures (celles de la marque Loreiztia, créée par l’apiculteur Jacques Salles, combinent miel et fruit). Et l’ouverture du restaurant Topa («santé» en basque), avec sa terrasse ombragée sur la place des Basques est une première en France. Elle pourrait faire école auprès des Maisons Basques de Toulouse, de Paris, ou de Marseille, si l’on considère le succès actuel de Topa. La carte comprend un assortiment de pintxos où les croquetas de jambon chorizo voisinent avec les cogollos y boquerones, tandis que l’ardoise, elle, répond aux appétits plus solides. Chacun des plats a été réalisé sous influence basque. Le chef, Stéphane Menaud, a tenu sa place auprès de cuisiniers étoilés comme Philippe Gaufre ou Michel Clément. Et signe des propositions de saison qu’il a, selon ses propres termes, « basquisées ». Le tartare de truite fumée est servi avec le beurre des Aldudes et le piment d’Espelette. L’aubergine rôtie est assortie de fèves, de jambon et de fromage de brebis. Et la carte évolue chaque semaine. En basque, on dit: Topa* !.

Place des Basques
33000 Bordeaux

L’ACCORD DE CYRIL BLEEKER,
CUISINE BASQUE ET VIN

Selon le sommelier Cyril Bleeker, la forte identité de la cuisine basque appelle le vin local. Et le cépage le plus adapté est le tannat. C’est lui qui assagira son caractère pimenté par son velouté. Plébiscité sur un poulet basquaise, le Bouscassé 2017 d’Alain Brumont apporte du fruit à son côté un peu asséchant. Avec des chipirons à l’encre, on optera pour la cuvée Hegoxuri du domaine Arretxea en Irouléguy, qui donnera du gras et du volume pour tempérer l’encre de seiche.

Chateau Bouscassé – Madiran

Domaine Arretxea – Cuvée Hegoxuri

Retrouvez nos chroniques culinaires ici

© Mathieu Prat – Ouverture des fêtes de Bayonne 2023