GUILLAUME PONCELET

À l’occasion des son passage au Rocher de Palmer, nous avons posé quelques questions à Guillaume Poncelet. La musique instrumentale, le « néo-classique », l’intelligence artificielle… Le concert est complet mais on vous encourage vivement à scruter une nouvelle date dans les parages !

Peux-tu te présenter brièvement pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas encore ?

Je suis musicien, j’ai 45 ans, je suis né à Grenoble. J’ai tout de suite, très tôt dans ma vie, été passionné de musique, jazz, classique, de chanson française. J’ai rencontré le piano assez tôt dans ma vie  car ma mère était pianiste amateur, et ça a été une passion, un coup de foudre immédiat, je passais quasiment tout mon temps libre à expérimenter et je n’ai jamais perdu la passion pour cet instrument. Je suis totalement autodidacte au piano. Et d’un côté plus académique j’étais étudiant au conservatoire en classe de trompette à Grenoble, puis au CNSM (Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse) à Paris au département jazz. Je n’y suis pas resté très longtemps, c’était un peu trop académique pour moi. J’adore les rencontres, les musiciens, mais en cours, j’ai tendance à vite m’endormir (rires). 

Que penses-tu de l’arrivée de l’IA dans la musique et plus particulièrement de ces générateurs de musiques et paroles proposés par certains nouveau acteurs de l’IA ? Penses-tu que l’industrie musicale commerciale basique soit en danger ?

Tu fais une précision importante en parlant de « contenu commercial basique ». Je pense que ça dit tout. L’IA je m’y intéresse parce que, en tant que musicien, je me sers d’outils qui utilisent de l’IA, comme des égalisateurs, des outils de mixage de son, des outils très utiles parce que c’est l’humain qui les guide. À ce jour, niveau création pure par l’IA, tout ce que j’ai entendu ne m’a jamais procuré d’émotion et ne m’a jamais fait me sentir en danger en tant que compositeur. Donc oui, ça peut servir pour créer des musiques de fond pour des créateurs de contenus sur les réseaux sociaux ou des musiques de documentaires qu’on va entendre à bas niveau, des musiques d’attente pour les hotlines téléphoniques, mais je ne pense pas que la« musique » soit en danger, pour le moment. C’est à nous musiciens de proposer une musique de qualité et d’avoir une démarche pédagogique avec les auditeurs. C’est en étant bon et en procurant de vraies émotions aux gens qu’on gardera l’IA à distance. D’ailleurs le public ne s’y trompe pas.  Les gens vont aux concerts. Ils perçoivent bien que c’est un autre type d’émotion. Après je ne suis pas en guerre contre les plateformes de streaming. Je trouve ça super d’avoir accès à toute la musique du monde (ou presque) via son smartphone. En revanche,l’expérience du live c’est vraiment un niveau émotionnel clairement supérieur.

L’accès à toute cette musique pour une somme mensuelle relativement modique par rapport au prix d’un CD ou d’un vinyle a bouleversé l’industrie musicale et ramené finalement le public dans les salles de concert. Quelle est ton ressenti par rapport à tout ça ?

Oui le public revient vraiment vers la musique live et c’est vraiment une très bonne chose ! Et pour nous artistes, les concerts c’est le nerf de la guerre, c’est là où on gagne notre vie. La part des droits d’auteurs liésà la vente physique a énormément diminué. Même les stars internationales font beaucoup plus de concerts qu’avant.

La musique instrumentale trouve de plus en plus en sa place sur les grandes scènes ? Par exemple tu fais sold-out au Rocher de Palmer ce week-end, comment expliques-tu cet intérêt grandissant pour un genre qui concernait plutôt essentiellement les mélomanes il y a quelques années ?

La consommation de musique (pardon pour ce terme marketing) via smartphone, ordinateur, permet d’écouter de la musique différemment. Moi quand j’avais encore des CD et de vinyles, je mettais un album, je l’écoutais, et après je passais à un autre. Maintenant la plupart des gens aiment bien mettre une playlist, sur une plateforme de streaming et dans des contextes différents : on a la playlist pour faire du sport, la playlist pour travailler, pour étudier, pour se concentrer, on a la playlist apéro/soirée. Et du coup ce que je reçois comme message sur mes réseaux sociaux, c’est souvent des gens qui disent j’adore ta musique pour étudier, ça m’aide à me concentrer et ça me crée un cadre un peu plaisant. Peut-être qu’il y a quelque chose à creuser sur ce sujet. Les chansons attirent plus l’attention, il y a les paroles qui disent quelque chose, et quelqu’un qui veut se concentrer sur son travail va plus vers de la musique instrumentale. J’aime pas les étiquettes, mais on parle de plus en plus de musique néo-classique et certains se revendiquent de ce style là. Nils Frahm (que je vais voir demain à la Philharmonie de Paris), Hania Rani, Max Richter, tous ces enfants de Philippe Glass, ont su populariser une forme de musique classique, qui n’était pas aussi accessible par le passé. Maintenant avec les réseaux sociaux et les plateformes, on a accès à ces artistes beaucoup plus facilement, on retrouve souvent leur musique dans des séries, dans des films, ce qui fait que ce genre musical se généralise un peu, bien qu’il soit absent de la radio ou de la télé. Maintenant,on peut tout à fait marcher sans le soutien de ces médias ! Et pour revenir à ma petite personne, ça me fascine de voir des salles combles pour mes concerts ! Pour moi le piano c’est mon champ d’expression, mon journal intime et voir que ça peut remplir des salles je me demande comment c’est possible. Quand je travaille avec des chanteurs beaucoup plus populaires que moi, je comprends que les textes parlent aux gens, qu’ils s’identifient. Moi c’est un petit peu plus discret, plus confidentiel, mais il y a quand même un public pour ça, et c’est un public qui prend de l’ampleur et je suis très heureux de ça. 

En tant que musicien instrumental, comment arrivent les collaborations ? J’imagine que tu es sollicité mais il t’arrive aussi d’aller vers des auteurs de textes ? Des chanteurs ? Quels sont tes projets à venir ?

Depuis que je suis tout petit j’adore la chanson française. Mes parents écoutaient Brel, Brassens, Ferré, Reggiani, etc, et moi j’ai toujours voulu collaborer avec des chanteurs français qui ont des textes qui me parlent. Donc par exemple dans les années 2000, j’écoutais du rap comme tous les jeunes de mon âge,  je désespérais de trouver un rappeur avec qui collaborer et qui ait vraiment des textes qui me parlent, et un jour j’ai rencontré Gaël Faye sur MySpace, ce site de rencontre pour musiciens (rires). On s’est parlé,et on s’est vu, et on n’a pas cessé de collaborer. Aussi, en ce moment on travaille avec Ben Mazué, on est sur la compo de son prochain album. J’ai également un projet de musique de documentaire dont le sujet est un cheval extraordinaire qui s’appelle Peyo. (ndlr : un cheval connu pour ses interventions dans les hôpitaux). Le documentaire sortira, je l’espère, au cinéma l’an prochain.

Tu écoutes quoi en ce moment ? Tes coups de coeur ?

Le Concerto en sol de Ravel par Alice Sara Ott dans le cadre de mon éternelle recherche de l’interprétation ultime de ce chef d’oeuvre absolu de la musique française  (il n’y a pas que le Boléro !)

• Nils Frahm, ses dernières productions, vraiment très intéressantes 

• Thundercat, son album. Bassiste talentueux, qui produit et qui chante (avec Kendrick Lamar, Michael McDonald entre autres)