MARK ROTHKO, VOYAGE CONTEMPLATIF
Par Valérie de Sint-Do
C’est à une grande traversée de l’œuvre de Rothko que nous invite la Fondation Louis Vuitton, en même temps qu’une plongée en nous-même. 25 ans après la rétrospective présentée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 115 œuvres issues de collections publiques et privées sont rassemblées dans cette exposition, retraçant un parcours complexe entre figuration et abstraction. On connaît évidemment mieux le Rothko abstrait des années cinquante et soixante, et son travail d’une infinie subtilité sur la couleur. L’état de conscience particulier que l’on éprouve à contempler ces bichromies et trichromies dégradées, à s’imprégner de leur lumière, relève de l’expérience sensorielle, voire spirituelle : « je ne cherche pas la couleur, mais la lumière, disait-il ». Mais ce choix de l’abstraction apparaît après un cheminement par la figuration ; les premières salles de l’exposition montrent des portraits – dont un très rare autoportrait– et des scènes urbaines, avant une période mythologique et surréaliste. Puis l’exposition, chronologique, montre l’évolution vers l’abstraction, vers le Rothko le plus emblématique avec ses trois rectangles de couleurs superposés, jusqu’à l’assombrissement des toiles finales.
Ce parcours très complet dans l’univers de l’artiste s’assortit d’une série d’événements : concerts, créations du musicien Max Richter commandées pour l’occasion, documentaires, et propositions de parcours « contemplatifs », « contés » et même à destination des bébés ! Car l’œuvre, plutôt qu’interprêtée, ne demande qu’à être contemplée, comme nous le rappelle Christopher Rothko, son fils, commissaire de l’exposition avec Suzanne Pagé, : « Regardez la peinture. Regardez dans la peinture. Mon père ne vous demande pas de vous préoccuper de la façon dont il l’a réalisée, il veut que vous fassiez l’expérience de ce qu’il a lui-même éprouvé en l’exécutant. Il ne veut pas d’un étudiant, ni d’un observateur, il a besoin d’un co-créateur. »
